mercredi 15 mai 2013

Traditionnalisme et Anarchisme hongrois-sicule contre le Saint Empire d'Occident

Mesdames et messieurs, vous avez toujours rêvé de sortir un peu de la société de consommation, effectuer un voyage dans le temps, retrouver les goûts du traditionnalisme? Pas de problème ! Non seulement les villages hongrois sont présents mais aussi Pensiunea Heltai, un bar hongrois de Cluj-Napoca. Ce bar n'a rien à avoir avec tout ce que j'ai vu jusqu'à présent. Le bar possède sa terrasse, il est nécessaire de monter des marches pour avoir deux choix : soit prendre sa droite pour entrer dans une salle et boire un coup avec des hongrois autour d'une bière hongroise de Miercurea Ciuc (village sicule un peu plus à l'Est); soit de prendre sa gauche et... surprise ! Le mardi soir des musiciens viennent jouer 5h de musique traditionnelle, entrecoupées de petites pauses, loin de la pop roumaine. Aucune prétention à la baise, à l'exhibitionnisme ; la galanterie écrase gentiment la drague des boîtes roumaines. C'est ainsi que tout autant français que je suis, j'ai l'impression de revenir 100 ans en arrière, dans cette ambiance bon enfant où  les hongrois connaissent toutes les techniques de danse traditionelle (il y en a presque pour chaque village...).
Pour avoir un exemple, je vous prie d'écouter la musique ci-dessous ; il suffit d'imaginer l'ambiance interne à l'aide de la photo ci-jointe.

 
Oui le chant se termine par des gazouillis (ou si vous voulez des tweets traditionnalistes, héhé) - pour en revenir au bar; c'est ainsi qu'il résonne d'onomatopées à la limite du tribal.



C'est mignon



 Alors qui sont ces Pikachu qui parlent une langue bizarre? N'est-ce qu'une image qui cachent des jeunes comme tout le monde? Réponse partielle à l'aide de... français présents dans le bar!! Oui malgré la haine que portent les hongrois contre les français depuis la perte de la Transylvanie en 1918, certains français ont  décidé de franchir le pas et d'aller vers leur culture. EXPLICATION.

 J'ai rencontré beaucoup de français aussi fous que moi en France, et bien plus cultivés que mon ignorance, bien plus humains. Je n'aurais jamais imaginé rencontrer en Transylvanie ces specimens d'un autre âge (normalement les immigrés français sont des médecins à la recherche de la facilité).
 Le premier s'appelle André. Croyant qu'il est anglais, je lui cause dans cette langue. "Epargne moi l'anglais...", me répond-il d'un air cynique. "Que fais-tu ici?", lui demandais-je  "-je fais de la dissidence...". Croyez que sous ses airs de bonhomme à la limite de la marginalité se cache à ancien khâgneux de Henri IV, diplomé de l'ENS ; à cette suite, au lieu de devenir thésard comme tout le monde dans une université allemande et de souler à son retour des étudiants français avec un nombril gros comme un bite africaine, il s'est exilé à Budapest, pour enfin s'établir à Cluj-Napoca depuis... 10 ans!!!! Parfait polyglotte français- anglais- alsacien-hongrois-roumain-allemand et pourquoi pas russe, il a tenté de tout m'expliquer concernant les danses hongroises (philosophie de la danse, quand on y vient!). "Tu as 22 ans et tu es déjà au bon endroit", me dit-il. Ah tiens je pensais que j'étais le seul français à penser que la Transylvanie est bien plus intéressante que la Gironde.

 Il ramène son ami trois semaines plus tard. Je lui demande "qui es-tu?"; "-écoute, me répond-il, je suis en chemin perdu..." (bon on va l'appeler François). Plus modeste, il affirme "essayer" de parler hongrois et roumain (alors qu'il se débrouille). Je lui ai dit que je voulais parler roumain avant le hongrois, car après avoir essayé d'apprendre en même temps coréen et russe l'an dernier, suivi d'un échec, j'étais devenu plus sage. "Mais non, me répond-il, il faut tout apprendre en même temps, t'es à l'endroit idéal. Et tu as besoin d'un carnet pour apprendre le hongrois? Ah, monsieur le français a besoin d'un carnet papapapa (...) ce qu'il faut c'est comprendre et non apprendre. Je n'ai jamais appris une seule leçon, je ne faisais que comprendre.". Je suis d'accord avec lui, n'empêche mon cerveau comprend la philo au lieu de l'apprendre, mais concernant le hongrois, je crois que je vais faire comme tout le monde et... apprendre par coeur!. Nous avons fini cette soirée-là ivres au bar Insomnia en compagnie d'un ami français, de deux tziganes, d'un sage roumain, de deux hongroises et d'un étudiant roumain ; où j'ai commencé je ne sais plus comment à parler d'Etre et Temps de Heidegger à côté de cet étudiant roumain sorti de nulle part me disant "c'est exactement ça!!!" (ah bon? Merci mon ancien professeur Bruce Bégout, dans ce cas), dérivant sur l'opposition Platon-Aristote expliquée par François (ce gars-là ne fait pas que parler des langues...).

 Fini la digression folie-française pour revenir à nos amis hongrois. Dans ce bar se réunissent des gens qui habitent sur place, des erasmus de Hongrie, des campagnards et même des sicules (peuple guerrier de Transylvanie-Est, aussi chauds que des siciliens). Mais comment font-ils pour vivre repliés sur eux-mêmes, sédentaires, sans relation avec le gouvernement roumain? En fait, certains villages sont financés par Budapest et d'autres sont anarchistes. Anarchiste vous avez dit? Attention, attention aux amalgames...L'Anarchisme comme concept (j'appelle anarchisme la communauté moins le pouvoir, mais à Jubuc je parlerais plutôt de traditionnalisme communautaire car le Pouvoir revient au prêtre) n'est pas développé en Roumanie car... il n'y a tout simplement pas besoin!! C'est une différence entre théorie et pratique. En France l'Anarchisme comme concept survit encore en tant que réaction à la modernité, il s'en suit des essais pratiques dans des communautés autonomes comme Longomai (Cote d'Azur) et Genzeillac (Provence). On ne parle  des hongrois transylvaniens comme anarchistes que d'un point de vue français car la communauté autonome est tout simplement déjà-là. Mais cette praxis immanente s'ensuit d'un grand danger : l'absoption par la théorie opposée. Car les communautés autonomes hongroises, en filigranne du traditionnalisme qu'elles proposent, sont totalement apolitisées (surtout en raison de la paysannerie), donc incapables de voir la suite logique. "Nous connaissons la suite, affirme André, car nous sommes français". Oui nous connaissons la suite : si un village comme Jubuc continue de stagner dans le traditionnalisme, il s'ensuivra un très grand décalage avec une ville comme Cluj-Napoca qui finira par devenir trop européenne. L'absorption par le style de vie urbaine deviendra alors très facile et ce qui s'est passé en France dans la plupart des départements (des villages qui s'embourgoisent) arrivera fatalement, mais quand?
  Autrement dit les hongrois transylvaniens sont des bisournous repliés sur eux-mêmes, ne méprisent que partiellement les étrangers (il suffit de s'intéresser à eux et ils vous accueillent petit à petit). Mais la conscience politique absente est sur le point de se faire dévorer par l'Union Européenne au taquet du gouvernement roumain. Ce que je dis est par plus grand intérêt et amour pour ces gens. Contrairement à certains paysans roumains rêvant d'exode rural, les hongrois - nonobstant l'absence d'ouverture politique- sont trop conscients de leur spécificité culturelle (d'où une résistance pacifique : le traditionnalisme) et le préservent pour l'instant d'une très bonne manière ; c'est juste que l'on connaît la suite logique concernant l'appétit capitaliste de l'Ouest.


 Car ce lieu apolitique s'éloigne de la future guerre idéologique, en filigrane du matraquage médiatique préparée en France, voire une guerre sur le terrain entre l'Alliance du Saint-Empire d'Occident (Monsanto-OTAN-USA - UE) contre l'Hétéroclyte Alternative Traditionnaliste (Orthodoxie russe - Chiisme iranien - hindouisme -islamisme). A noter que la Roumanie a déjà choisi son camps: l'américanisation progressive via l'enculage par l'Union européenne.
==>Périlleux saut géopolitique mais en même temps le sol transylvanien n'empêche pas de penser au-delà des frontières.

Pour tout critique je suis ouvert ^^





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